Un soir à l’opérette : “Le Roi Carotte”, d’Offenbach, à Paris
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LE FIL MUSIQUE - En 1870, l’impertinent Offenbach réglait ses comptes avec la pitrerie pitoyable du pouvoir. Le héros de son opéra-bouffe ubuesque ? Un certain Carotte, petit roi tyrannique et hyperactif… Indémodable, non ? Un grand moment de loufoquerie présenté, jusqu’au 19 avril, par l’Opéra éclaté, au Théâtre Silvia-Monfort.
On le sait depuis Blaise Pascal, un roi sans divertissement est un homme plein de misères. Et justement, le roi Fridolin XXIV s'ennuie. Rien de tel alors qu'une bonne guerre avec le royaume d'à côté pour mettre fin à son auguste contrariété. Mais le roi Carotte, souverain légume et usurpateur tyrannique, n'entend pas se laisser faire : utilisant les pouvoirs magiques de la fée Coloquinte, il passe à l'offensive, ne tarde pas à destituer Fridolin, lui soufflant au passage sa fiancée, Cunégonde. Heureusement, Rosée du soir veille. Amoureuse en secret du souverain déchu, elle va l'aider à conquérir l'anneau dont le pouvoir permettra de renverser l'infâme Carotte. Mais il leur faudra passer par un véritable parcours initiatique, qui les conduira successivement dans le royaume des fourmis, au pays des abeilles, dans les ruines de Pompéi et jusqu'au mur des Lamentations, à Jérusalem. Vous suivez toujours ?
Une telle loufoquerie est naturellement signée Furax. Autrement dit, Victorien Sardou pour le livret et Jacques Offenbach pour la musique. Mais Le Roi Carotte, opérette féerique (et parodique) en trois actes, à l'honneur cette année au festival de Saint-Céré, n'est pas dans la veine des franches gaudrioles, comme La Vie parisienne ou La Grande-Duchesse de Gérolstein, qui ont fait les délices du Second Empire. Derrière cette histoire ubuesque et farfelue se profile un brin de gravité : la réflexion désabusée d'un compositeur brocardant l'absurdité du pouvoir – de tous les pouvoirs – et la pitrerie pitoyable de ceux qui s'en emparent.
Oui, Offenbach règle ses comptes avec les démons de son époque (nous sommes en 1870), avec l'autorité impériale, avec l'ignominie versaillaise et monsieur Thiers, le bourreau qui écrasa la Commune dans le sang, avec tous les bourgeois qui ont tant intrigué et tant tremblé. « Ce qui frappe dans ce jeu de massacre, c'est son caractère éternel. Cette surenchère de tableaux délirants nous parle encore aujourd'hui », analyse Olivier Desbordes, metteur en scène et par ailleurs fondateur d'Opéra éclaté, compagnie créée et gérée depuis 1986 par les équipes du festival de Saint-Céré. Chaque hiver, deux à trois productions grand public circulent dans la France entière (plus de deux cents villes visitées). On se souvient de La Grande-Duchesse de Gérolstein ou La Carmen arabo-andalouse. Des spectacles pas tristes. « Ce roi Carotte peut faire penser au dirigeant d'un grand pays européen, plutôt petit de taille, hyperactif, qui se démène à droite à gauche, et fraye, lui aussi, avec des pantins moyen-orientaux ! Mais il peut évoquer d'autres chefs d'Etat, vous avez l'embarras du choix sur la planète ! J'aime dans cet opéra-bouffe trop méconnu l'impertinence, la férocité et le souffle libertaire. Les artistes savent toujours mettre les rieurs de leur côté. »
Le plus amusant dans l'histoire, c'est qu'Offenbach et son librettiste ont trouvé le sujet de l'opéra chez... E.T.A. Hoffmann, dans un conte intitulé Le Petit Zachée, narrant les aventures fantastiques du ministre Kleinzach. De sorte que ce Roi Carotte apparaît comme une répétition générale ou un prélude magistral aux crépusculaires Contes d'Hoffmann, cette œuvre laissée inachevée par Offenbach et qui l'occupera jusqu'à sa mort...
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bencha, le 19/11/2008 à 22:54, dit :
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