Le scandale de la perte des données de 25 millions de Britanniques scandalise outre-Manche
"Choquant, risible, hilarant, incroyable (mais) au-delà de la farce, criminellement irresponsable, et impardonnable", écrit le Times. Pour le Financial Times, il s'agit d'une "bourde", pour le Guardian d'un "désastre", pour The Independent d'une "débâcle". Le scandale de la perte, par l'administration fiscale, des données personnelles de la moitié des Britanniques, fait la "une" de toute la presse d'outre-Manche. Le 18 octobre, un responsable des services fiscaux a en effet envoyé à une administration officielle deux cédéroms non cryptés contenant l'ensemble des dossiers d'allocations familiales du pays. Mais le colis, qui n'avait pas été envoyé en recommandé, n'est jamais arrivé.
Le premier ministre présente ses excuses et promet une enquête
Lors d'une séance particulièrement houleuse à la Chambre des communes, mercredi, le premier ministre britannique, Gordon Brown, a présenté ses excuses aux "millions de familles" touchées par la perte des données confidentielles. Il a promis l'ouverture prochaine d'une enquête qui passera en revue les procédures de sécurité utilisées par les services du gouvernement, qui n'ont pas été respectés lors de cette affaire. "Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour faire en sorte que les données soient en sécurité", a poursuivi le chef du gouvernement, soulignant que rien, pour l'instant, "n'indique une activité frauduleuse".
L'affaire mobilise donc tous les éditorialistes britanniques qui s'accordent pour souligner la perte de crédibilité du gouvernement, accusé d'être incapable de protéger ses concitoyens. "Si ce gouvernement est suffisamment incompétent pour perdre les données personnelles de millions de ses citoyens, en quoi peut-on lui faire confiance ?", s'interroge le Times. Le quotidien rappelle que, le mois dernier, le fisc avait déjà perdu un ordinateur portable contenant les données personnelles de 400 Britanniques, puis un cédérom contenant les données de 15 000 autres personnes. Ironisant sur les nombreuses déclarations du gouvernement certifiant que les données qui lui sont confiées sont bien évidemment sécurisées, le Times souligne que "dès lors que vous les entrez dans un ordinateur, un zigoto dans un bureau peut les télécharger, les placer dans une enveloppe et envoyer toutes vos données personnelles par courrier".
UNE QUESTION DE CONFIANCE
Toutes tendances politiques confondues, la totalité des éditorialistes s'accordent pour dire que le scandale ne peut qu'entacher gravement la confiance de l'opinion publique face aux nouveaux projets du gouvernement : informatisation des dossiers médicaux de tous les Britanniques, constitution d'une base centralisée pour tous leurs enfants ou création d'une carte d'identité biométrique.
Pour le FT, cette "erreur" souligne les "peurs légitimes" éprouvées au sujet du projet de carte d'identité, l'"imprudence" du gouvernement suggérant que l'on ne peut pas lui faire confiance pour ce qui est de protéger les données sensibles qu'il possède déjà. Pour le Daily Telegraph, le retrait du projet de carte d'identité serait d'ailleurs"le seul bénéfice" à tirer de ce scandale "grotesque".
En attendant, et comme le souligne The Independent, cet épisode risque fort de "hanter" le gouvernement et d'être "immortalisé dans notre folklore politique". Le Guardian rappelle, pour sa part, que cela fait maintenant un an que le commissaire britannique à la protection de la vie privée tire la sonnette d'alarme. Il demande en effet, mais pour l'instant en vain, à voir ses pouvoirs renforcés de sorte qu'il lui soit possible de contrôler plus facilement l'utilisation faite par l'administration des données personnelles des Britanniques, et en appelle à une aggravation des peines encourues par ceux qui violent les lois en matière d'informatique et de libertés.