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Dans le grand sac des pirates et assimilés comme tels par le projet de loi création et Internet, il y a un petit clan qui dépense temps et énergie pour partager sa passion audiovisuelle : les "subbers". Fans de séries télévisées ou de dessins animés japonais, ils passent des heures à télécharger illégalement des séries en version originale pour les traduire et les sous-titrer avant de rediffuser le tout sur le réseau, toujours en toute illégalité.
Difficile de connaître l'état des troupes. Ils seraient moins de cinq cents en France à s'adonner à ce passe-temps chronophage pour satisfaire des milliers d'utilisateurs de ces vidéos gratuites. Les fans d'animation japonaise sont probablement les plus organisés, ou en tout cas ceux qui ont le plus l'occasion de se rencontrer, lors des conventions de mangas par exemple. "On devient vite accro à une série, explique Lowan, administrateur d'un site qui traduit des dessins animés japonais ou animes. Quand on découvre une série et qu'on accroche, on n'a pas envie d'attendre." Lorsqu'un éditeur français achète une licence japonaise, il faut souvent patienter deux ans pour voir les animes diffusés en France.
Même chose pour les séries télévisées, principalement américaines. L'écart de diffusion est moins important, mais le reproche est le même : le manque ou la faible qualité de l'offre légale. "Proposez aux gens d'obtenir un CD de façon légale pour 5 euros, ou la dernière saison de Prison Break à 20 euros, mais en pouvant la garder définitivement et non 48 heures comme c'est le cas actuellement, vous pouvez être sûr que les offres légales rencontreront un tout autre succès", avance l'animateur d'un site consacré aux séries télévisées. Du coup, ce sont des internautes qui s'improvisent traducteurs, relecteurs et synchroniseurs pour livrer les épisodes américains diffusés à peine deux ou trois jours auparavant. Compter tout de même au moins dix heures de travail pour un épisode de 20 minutes.
A l'heure de l'Hadopi, les subbers se sentent montrés du doigt par les anti-pirates. Tous disent d'ailleurs être parfaitement conscients de l'illégalité de leur pratique. "On ne fait pas la même chose que ceux qui hébergent de grandes quantités de séries américaines, eux ce sont les vrais pirates qui gagnent de l'argent, explique Lowan, responsable de sécurité informatique dans le civil. Pour autant, on viole nous aussi la propriété intellectuelle donc oui, nous sommes aussi des pirates." "Nous, on arrive à peine à couvrir nos frais", ajoute un autre sous-titreur anonyme, même avec des dizaines de milliers de pages vues.
Souvent, les sites permettent de voir des traductions de séries qui ne sont même pas diffusées en France. Les "subbers" se voient alors presque comme des prescripteurs. "La satisfaction, c'est la popularité croissante de séries qui n'auraient jamais été connues en France", explique l'animateur. D'ailleurs les éditeurs ne s'y trompent pas et observent ces sites avec attention. Du côté des animations japonaises, on avoue garder un œil attentif aux séries qui buzzent sur les forums avant d'acheter les licences. Ces fans de mangas sont aussi ceux qui se sentent les moins inquiétés par le projet de loi. Pour les séries qui n'ont pas de licence française en tout cas, puisque les éditeurs japonais n'ont presque jamais attaqué les subbers à l'étranger.
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