Citation
Sur papier glacé, l’image d’un grand barbu, en pèlerine noire et en godillots. Mais dans les consciences, Henri Groués, plus connu sous le nom de l’abbé Pierre, restera comme un homme de Dieu en croisade contre la pauvreté, le défenseur éperdu des pauvres. Ordonné prêtre un an avant la Seconde Guerre mondiale, l’abbé Pierre s’engage dans la résistance, aide des juifs, se fait arrêter par l’armée allemande dans les Pyrénées, s’évade via l’Espagne et embarque pour Alger, où il rencontre le Général de Gaulle en 1943.
Combat d'une vie
Après la guerre, il est élu député de Meurthe-et-Moselle. Ce qui ne l’empêche pas de quitter, certains soirs, le palais Bourbon pour rejoindre les laissés-pour-compte de la capitale. « On ne possède vraiment que ce que l’on est capable de donner. Autrement on n’est pas le possesseur, on est le possédé », écrit-il dans Dieu et les Hommes. Plus qu’un vœu pieux, c’est pour l’abbé Pierre le combat d’une vie, mené tambour battant jusqu’à sa mort. Né en 1912 dans une famille aisée à Lyon, il renonce à dix-neuf ans à sa part de l’héritage familial et distribue tout ce qu’il possède à des œuvres de charité.
Emmaüs fondé en 1949
Mi-ange mi-trublion, l’abbé Pierre n’hésite pas à réquisitionner, souvent de manière illégale, des logements laissés vides par leur propriétaire pour y installer des familles sans-abri. Un robin des villes, qui séduit et agace. « L’enfer, c’est les autres », disait Sartre. Pour l’abbé Pierre, « bien au contraire. L’important, c’est d’être solidaire », écrit-il dans ses Mémoires d’un croyant. En 1949, il fonde l’association laïque Emmaüs (du nom d’un des évangiles). Son idée ? Construire des logements, avec l’argent récolté par la vente de matériel et d’objets de récupération. C’est l’œuvre de sa vie. La communauté fait des émules, et quarante centres Emmaüs ouvrent dans le monde.
«Mes amis, au secours»
Puis vient l’hiver 1954, et « l’insurrection de la bonté » en faveur des sans-logis, sur les ondes de RTL. « Mes amis, au secours… », lance l’abbé Pierre, qui demande au Parlement un milliard de francs pour aider ceux qui meurent de froid dans la rue. Trois semaines plus tard, il en obtient dix milliards, et la réalisation de 12 000 logements d’urgence. Les consciences s’éveillent, derrière lui.
Le dérapage
En 1991, on le retrouve à l’église Saint-Joseph de Paris en train de jeûner aux côtés des « déboutés du droit d’asile », qui font une grève de la faim dans l’indifférence générale. Souvent controversé pour ses prises de position en faveur du mariage des prêtres, de l’ordination des femmes et de l’adoption d’enfants par les homosexuels, l’abbé Pierre est élevé au rang de Grand Officier de la Légion d’honneur.
En 1996, il frôle le dérapage, en apportant son soutien à son ami Roger Garaudy, auteur d’un livre dont il n’a entendu parler que par ouï-dire. L’essai contient des thèses négationnistes : le lynchage médiatique à son encontre est tel que le cardinal Lustiger lui demande de se retirer de la vie médiatique. C’était sans compter sur l’immense popularité du fondateur d’Emmaüs. Jamais démentie jusqu’à ce jour.
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