Décès de Pieter W. Botha, président sud-africain des pires années de l'apartheid
LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 01.11.06 | 07h49 • Mis à jour le 01.11.06 | 08h37
Pieter Willem Botha, qui fut président de l'Afrique du Sud pendant les années 1980, les plus dures du régime ségrégationniste de l'apartheid, est décédé mardi soir 31 octobre, à l'âge de 90 ans. Celui qui était surnommé "Groot Krokodil" ("Grand crocodile" en afrikaans) en raison de ses positions intransigeantes, s'est éteint durant son sommeil, à son domicile situé près de Wildernes, dans la province du Western Cape (Sud-Ouest), selon l'agence de presse sud-africaine Sapa, citant un membre du personnel assurant sa sécurité.
L'ancien chef de l'Etat avait été hospitalisé à la mi-octobre, pour ce que les médecins avaient qualifié de "contrôle de routine", démentant les informations faisant état d'une nouvelle crise cardiaque. En 1989, ses problèmes cardiaques, s'ajoutant à des dissensions dans son gouvernement, l'avaient poussé à passer le flambeau à Frederik De Klerk – qui ouvrit une ère de transition qui allait aboutir, en 1994, à la tenue des premières élections multiraciales de l'histoire de l'Afrique du Sud.
Il fut d'abord, à partir de 1966, ministre de la défense, jouant un rôle pivot dans la mise en place d'une industrie de l'armement, alors que son pays était frappé par un embargo international sur les armes. En 1978, il prit la tête de son Parti national et devint premier ministre, soit la fonction qui concentrait alors la plus large part de responsabilités. En 1984, après une modification de la Constitution, il devint président. Son parcours incarna la mainmise progressive de l'appareil militaro-sécuritaire sur le régime sud-africain. Austère et coléreux, amateur de chasse, de pompe et de parades militaires, Botha représentait à merveille la "kragdadigheid" (la force, la poigne en afrikaans) du régime raciste blanc, institutionnalisé à partir de 1948.
PREMIERS CONTACTS SECRETS AVEC MANDELA
D'états d'urgence en états d'urgence, les années 1980 virent des milliers de détentions sans procès, de tortures, d'exécutions par des escadrons de la mort, d'opérations commandos hors des frontières contre les opposants à l'apartheid. Pressentant pourtant des changements inéluctables, Botha tenta des réformes timides du régime, comme le Parlement tricaméral (Chambres pour Blancs, Indiens et métis) ou l'abrogation de quelques lois racistes. Il ne réussit en fait qu'à s'aliéner la droite blanche la plus raciste, et à décupler l'impatience de la majorité noire. En 1987-1988, le président approuva pourtant les premiers contacts secrets avec l'icône de la lutte de libération noire, Nelson Mandela, encore en prison. Il le reçut même en 1989, mais une congestion cérébrale la même année le contraignit à démissionner de la présidence. Son successeur pragmatique Frederik De Klerk allait alors piloter la transition démocratique.
Né en 1916 dans une famille d'agriculteurs afrikaners ruinés, Pieter Willem Botha avait fait des études de droit grâce à une bourse avant de se lancer dans la politique à plein temps. Ses talents d'organisateur, sa férocité dans le combat politique, furent à l'origine de son ascension rapide au sein du Parti national (NP) au pouvoir, avec une entrée au gouvernement dès l'âge de 42 ans.
Fier de ses racines boers (agriculteurs descendants des colons hollandais) comme de son bilan politique, Botha demeura inflexible et sans remords bien après sa retraite politique, refusant de venir témoigner à la Commission vérité et réconciliation (TRC), ou de s'excuser, même en termes vagues et collectifs, pour les violations des droits de l'homme commises sous l'apartheid. Dans une interview controversée réalisée cette année, il affirmait n'avoir jamais considéré les Noirs comme inférieurs. "De nombreux Noirs et métis ont coopéré avec nous", avait-il lancé.