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Sondages de l'Elysée: la polémique enfle
En épluchant les comptes de la Présidence de la République, la Cour des comptes a mis à jour un cabinet chargé de jouer les intermédiaires entre l’Elysée et des instituts de sondages. Problème : certains des sondages payés par la Présidence auraient atterri dans des journaux. Mis en cause, OpinionWay dément...
Sarkozy avait décidé de se soumettre de lui-même au contrôle de la Cour des comptes, il va peut-être le regretter. Car les sages, en fouillant les comptes de la présidence de la République, ont peut-être déterré une petite bombe politique. Petit rappel sur ce qu’on apprend-on à la lecture de leur rapport ?
1) La Présidence a versé 1,5 million d’euros à un cabinet d’études dont le nom n'a pas été rendu public, chargé de jouer les intermédiaires entre l’Elysée et des instituts de sondage.
2) Le partenariat qui lie l’Elysée et ce cabinet s’est fait sur la base d’une simple convention sans passer par la procédure pourtant obligatoire d’appel d’offre.
3) Cette convention (qui tient sur une maigre page !) donnait jusqu’à très récemment tout pouvoir à ce cabinet (« [Le cabinet] sera chargé de juger de l’opportunité, dans le temps et dans les thèmes, des sondages ou études d’opinion dont il confiera l’exécution aux instituts spécialisés de son choix, sur la base d’une facturation ponctuelle incluant la rémunération par [le cabinet] de ses sous-traitants techniques. »).
4) Ce cabinet est, d’après la Cour, « un client du “Politoscope”, enquête grand public “omnibus” réalisée par l’institut OpinonWay, dont les résultats sont publiés par Le Figaro et LCI ». Autrement dit, l’Elysée pourrait être un des bailleurs de fond de ces études sans que son nom n’apparaissent jamais en légende de ces études lors de leur publication.
Mais pour OpinionWay, les Sages de la Cour font fausse route : le “Politoscope” serait payé exclusivement par LCI et Le Figaro. C’est ce qu’explique Bruno Jeanbart, directeur des études politiques à OpinionWay. L’Elysée se serait retrouvé à leurs côtés dans le cadre d’enquêtes dites « omnibus », un dispositif « très classique utilisé par la plupart des instituts de sondages », précise-t-il. Ce dispositif permet de soumettre un même panel à des questions émanant de différents clients et ce, dans l’optique de réaliser des économies. En clair, lorsque des sondés étaient soumis aux questions du “Politoscope” du Figaro et de LCI, explique Bruno Jeanbart, il leur était également posé des questions, différentes, décidées par l’Elysée. Et ces questions, affirme-t-il, ne finissaient pas dans Le Figaro et LCI.
Pourtant, la Cour des comptes estime que, « en dépit des 392 288 euros facturés par ce cabinet à la Présidence pour la participation à ces enquêtes (…), la comparaison des résultats publiés dans la presse et de ceux remis à la Présidence ne fait pas apparaître de différences… »
D’ailleurs, du côté même des journalistes du Figaro, on commence à douter sérieusement d’OpinionWay. Dans un communiqué, la Société des Rédacteurs du journal demande à sa direction « de mettre immédiatement un terme à ce type de "coproduction" qui nuit gravement à la crédibilité des titres du groupe » : « Il appartient au Figaro de choisir seul les instituts de sondage auxquels il commande des études, de déterminer avec eux les sujets de ces études et les questions posées à l’échantillon représentatif, et de publier les résultats in extenso assortis des commentaires des journalistes rédigés en toute indépendance. »
L'article du Figaro du 17 juillet consacré au rapport de la Cour des comptes.
5) La Cour des comptes soulève un autre problème : sur les 35 études facturées par ce mystérieux cabinet, au moins 15 ont fini dans les médias. On ne connaît pour l’heure ni le nom du ou des journaux qui auraient fait paraître ces sondages, ni même le nom du ou des instituts qui les ont réalisés (Bruno Jeanbart affirme qu’« a priori, ce n’est pas OpinionWay »). En revanche, pour ce qui est du but recherché, on se doute bien que l’Elysée avait tout intérêt à faire paraître des enquêtes qui lui étaient favorables...
6) On apprend également qu’une partie de ces enquêtes d’opinion qui ont atterri dans les colonnes des journaux étaient amputées de certaines questions. Ce qui pose là, en plus d’un problème de manipulation politique, un problème éthique pour le ou les instituts qui ont accepté de voir paraître leurs travaux maquillés. La règle dans le métier veut que toute enquête soit rendu publique. Bruno Jeanbart explique qu’il s’agit, à OpinionWay, d’une règle « tacite » : « Quand un client ne peut, par manque de place, publier toute une enquête, il la publie généralement en intégralité sur son site internet. C’est le cas notamment du Figaro. Par ailleurs, sur notre propre site, nous mettons les études en entier. »
Les charges sont donc lourdes. Très lourdes même. Mais l’opposition ne paraît pas vraiment chamboulée par ces révélations. Certes, Delphine Batho, députée proche de Ségolène Royal, a bien fait paraître un communiqué sur le site Désir d’avenir dans lequel elle demande que « l’Elysée [rende] publique la liste précise des 15 sondages payés par la présidence de la République et qui ont été publiés par certains médias. » (1) Mais il s’agit là d’un communiqué en son nom propre. Du côté de Solférino : à 17 h 30, soit bien plus de 24 heures après publication du rapport des Sages, toujours rien de rien. Aucune communiqué officiel. Et pour son porte-parole, Benoît Hamon, d’annoncer fièrement sur Twitter : « Officiel : suis en vacances. Décollage vers Copenhague dans une heure. Bonnes vacances à tous ceux qui en prennent ! »
C’est surtout le chef de l’Etat qui va passer d’agréables vacances. À l’Elysée, aujourd’hui comme hier, on se refuse à « commenter le travail de la Cour des comptes ». Silencieux, Patrick Buisson l’est aussi. L’expert en sondage de Nicolas Sarkozy, qui pourrait être à la tête du mystérieux cabinet, reste encore et toujours injoignable…
(1) On pourrait ajouter qu’il serait instructif de voir également quelles sont les questions figurant dans ces enquêtes que l’Elysée et son cabinet n’ont pas souhaité rendre publiques.
En épluchant les comptes de la Présidence de la République, la Cour des comptes a mis à jour un cabinet chargé de jouer les intermédiaires entre l’Elysée et des instituts de sondages. Problème : certains des sondages payés par la Présidence auraient atterri dans des journaux. Mis en cause, OpinionWay dément...
Sarkozy avait décidé de se soumettre de lui-même au contrôle de la Cour des comptes, il va peut-être le regretter. Car les sages, en fouillant les comptes de la présidence de la République, ont peut-être déterré une petite bombe politique. Petit rappel sur ce qu’on apprend-on à la lecture de leur rapport ?
1) La Présidence a versé 1,5 million d’euros à un cabinet d’études dont le nom n'a pas été rendu public, chargé de jouer les intermédiaires entre l’Elysée et des instituts de sondage.
2) Le partenariat qui lie l’Elysée et ce cabinet s’est fait sur la base d’une simple convention sans passer par la procédure pourtant obligatoire d’appel d’offre.
3) Cette convention (qui tient sur une maigre page !) donnait jusqu’à très récemment tout pouvoir à ce cabinet (« [Le cabinet] sera chargé de juger de l’opportunité, dans le temps et dans les thèmes, des sondages ou études d’opinion dont il confiera l’exécution aux instituts spécialisés de son choix, sur la base d’une facturation ponctuelle incluant la rémunération par [le cabinet] de ses sous-traitants techniques. »).
4) Ce cabinet est, d’après la Cour, « un client du “Politoscope”, enquête grand public “omnibus” réalisée par l’institut OpinonWay, dont les résultats sont publiés par Le Figaro et LCI ». Autrement dit, l’Elysée pourrait être un des bailleurs de fond de ces études sans que son nom n’apparaissent jamais en légende de ces études lors de leur publication.
Mais pour OpinionWay, les Sages de la Cour font fausse route : le “Politoscope” serait payé exclusivement par LCI et Le Figaro. C’est ce qu’explique Bruno Jeanbart, directeur des études politiques à OpinionWay. L’Elysée se serait retrouvé à leurs côtés dans le cadre d’enquêtes dites « omnibus », un dispositif « très classique utilisé par la plupart des instituts de sondages », précise-t-il. Ce dispositif permet de soumettre un même panel à des questions émanant de différents clients et ce, dans l’optique de réaliser des économies. En clair, lorsque des sondés étaient soumis aux questions du “Politoscope” du Figaro et de LCI, explique Bruno Jeanbart, il leur était également posé des questions, différentes, décidées par l’Elysée. Et ces questions, affirme-t-il, ne finissaient pas dans Le Figaro et LCI.
Pourtant, la Cour des comptes estime que, « en dépit des 392 288 euros facturés par ce cabinet à la Présidence pour la participation à ces enquêtes (…), la comparaison des résultats publiés dans la presse et de ceux remis à la Présidence ne fait pas apparaître de différences… »
D’ailleurs, du côté même des journalistes du Figaro, on commence à douter sérieusement d’OpinionWay. Dans un communiqué, la Société des Rédacteurs du journal demande à sa direction « de mettre immédiatement un terme à ce type de "coproduction" qui nuit gravement à la crédibilité des titres du groupe » : « Il appartient au Figaro de choisir seul les instituts de sondage auxquels il commande des études, de déterminer avec eux les sujets de ces études et les questions posées à l’échantillon représentatif, et de publier les résultats in extenso assortis des commentaires des journalistes rédigés en toute indépendance. »
L'article du Figaro du 17 juillet consacré au rapport de la Cour des comptes.
5) La Cour des comptes soulève un autre problème : sur les 35 études facturées par ce mystérieux cabinet, au moins 15 ont fini dans les médias. On ne connaît pour l’heure ni le nom du ou des journaux qui auraient fait paraître ces sondages, ni même le nom du ou des instituts qui les ont réalisés (Bruno Jeanbart affirme qu’« a priori, ce n’est pas OpinionWay »). En revanche, pour ce qui est du but recherché, on se doute bien que l’Elysée avait tout intérêt à faire paraître des enquêtes qui lui étaient favorables...
6) On apprend également qu’une partie de ces enquêtes d’opinion qui ont atterri dans les colonnes des journaux étaient amputées de certaines questions. Ce qui pose là, en plus d’un problème de manipulation politique, un problème éthique pour le ou les instituts qui ont accepté de voir paraître leurs travaux maquillés. La règle dans le métier veut que toute enquête soit rendu publique. Bruno Jeanbart explique qu’il s’agit, à OpinionWay, d’une règle « tacite » : « Quand un client ne peut, par manque de place, publier toute une enquête, il la publie généralement en intégralité sur son site internet. C’est le cas notamment du Figaro. Par ailleurs, sur notre propre site, nous mettons les études en entier. »
Les charges sont donc lourdes. Très lourdes même. Mais l’opposition ne paraît pas vraiment chamboulée par ces révélations. Certes, Delphine Batho, députée proche de Ségolène Royal, a bien fait paraître un communiqué sur le site Désir d’avenir dans lequel elle demande que « l’Elysée [rende] publique la liste précise des 15 sondages payés par la présidence de la République et qui ont été publiés par certains médias. » (1) Mais il s’agit là d’un communiqué en son nom propre. Du côté de Solférino : à 17 h 30, soit bien plus de 24 heures après publication du rapport des Sages, toujours rien de rien. Aucune communiqué officiel. Et pour son porte-parole, Benoît Hamon, d’annoncer fièrement sur Twitter : « Officiel : suis en vacances. Décollage vers Copenhague dans une heure. Bonnes vacances à tous ceux qui en prennent ! »
C’est surtout le chef de l’Etat qui va passer d’agréables vacances. À l’Elysée, aujourd’hui comme hier, on se refuse à « commenter le travail de la Cour des comptes ». Silencieux, Patrick Buisson l’est aussi. L’expert en sondage de Nicolas Sarkozy, qui pourrait être à la tête du mystérieux cabinet, reste encore et toujours injoignable…
(1) On pourrait ajouter qu’il serait instructif de voir également quelles sont les questions figurant dans ces enquêtes que l’Elysée et son cabinet n’ont pas souhaité rendre publiques.
