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Xavier Darcos diffère la réforme du lycée face à la contestation
Confronté à la contestation des lycéens et au risque d'un embrasement comme en Grèce, Xavier Darcos a reporté lundi un point essentiel de sa réforme, une décision saluée par les syndicats lycéens et enseignants.
Le ministre de l'Education devait présenter mardi les modalités de sa réforme de la classe de seconde, dernière du tronc commun, censée entrer en vigueur à la rentrée 2009.
Il a fait volte-face lundi, jugeant nécessaire de se "laisser plus de temps" alors que "les conditions d'un dialogue serein" ne sont d'après lui "pas réunies".
"Ce n'est pas un recul dans la mesure où le projet n'est pas abandonné. La réforme reste d'actualité", se défend-on au ministère de l'Education, où l'on admet toutefois que l'entrée en vigueur à la rentrée 2009 paraît "difficile".
En déplacement au Proche-Orient, Xavier Darcos a invoqué les "casseurs" et "la brutalité" qui ont émaillé les manifestations lycéennes de ces dix derniers jours et qui font craindre en haut lieu un embrasement semblable à la situation grecque pour justifier le report de la réforme et la reprise du dialogue.
"Je ne veux pas que la réforme des lycées soit otage de ces tensions sociales, de ces inquiétudes, de ces angoisses qui sont liées à d'autres raisons que des questions lycéennes", a déclaré le ministre sur Europe 1.
"Aujourd'hui, le climat ne se prête plus à parler sereinement. Ce n'est pas très grave que l'on repousse cela d'un an", a-t-il dit, appelant chacun à retrouver son "sang froid".
Xavier Darcos a démenti avoir agi sur injonction de l'Elysée, reconnaissant toutefois avoir "consulté plusieurs fois le président de la République" pour obtenir "son accord".
"PAS À TROIS MOIS PRÈS"
Pour le politologue Dominique Reynié, la crainte d'une "propagation" de violences sur le modèle grec a dicté le report.
"Mêmes causes, mêmes effets. Il ne faut pas sous-estimer la force de l'imitation", a-t-il dit à Reuters.
"Ce qui fait que Xavier Darcos a préféré suspendre (sa réforme), c'est le risque d'échauffourées avec des jeunes mal encadrés" et, ajoute-t-il, la crainte d'une "bavure" policière qui rendrait la situation "explosive".
"Il y avait à mon avis un risque considérable à maintenir la ligne. Si ça part, ça part et vous n'arrêtez plus le mouvement."
De son côté, François Fillon a estimé que le gouvernement n'était pas "à trois mois près". "Cette réforme avait besoin d'explications et de concertation, nous ne voulons pas qu'elle soit annoncée avant les fêtes", a déclaré le Premier ministre aux journalistes en marge d'une visite à Orléans.
"L'HIVER SERA CHAUD"
Les syndicats lycéens et enseignants ont exprimé leur satisfaction tout en appelant à poursuivre la mobilisation.
Saluant "une avancée", l'Union nationale lycéenne (UNL), premier syndicat lycéen, a maintenu son appel à une journée de manifestations dans toute la France jeudi.
"Si nos revendications ne sont pas entendues, l'hiver sera chaud", a prévenu le porte-parole de l'UNL, Antoine Evennou.
Des mouvements d'occupation des lycées sont également prévus lundi soir à l'appel du Snes-FSU. "On reste très vigilants car le report ne signifie pas le retrait", a dit à Reuters Guillaume Delmas, porte-parole du syndicat enseignant.
Pour Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU, la décision de Xavier Darcos montre que "le gouvernement est très attentif à tous les risques de crise sociale et essaye de déminer. Ça encourage à se battre sur les autres dossiers".
Le projet de réforme prévoyait notamment de découper l'année scolaire de seconde, la classe où se fait l'orientation en vue du baccalauréat, en deux semestres au lieu de trois trimestres pour les résultats.
Il était prévu d'introduire un enseignement obligatoire des sciences économiques et sociales d'une heure trente et trois heures d'accompagnement personnalisé ainsi que six heures de matières "à la carte", pour au total une semaine de 31h30 (actuellement la semaine est de 28 à 35h).
Dans un communiqué, le ministère de l'Education annonce une reprise de la concertation avec les représentants des enseignants, des lycéens et des parents d'élèves, qui concernera toutes les classes du lycée et abordera "sans tabou tous les sujets". Aucun calendrier n'est avancé pour ces discussions.