Le Point.fr - Publié le 12/09/2011 à 19:09
People Power est un serious game qui veut aider les activistes pacifistes à structurer leurs mouvements.

Faire la révolution n'est pas un jeu d'enfant, mais peut s'apprendre dans un jeu vidéo. © © 2010 York Zimmerman Inc.
Par Mathilde Lizé
Et si un jeu vidéo apprenait aux activistes désorganisés à mettre en place une résistance performante et durable ? Loin des Call of Duty ou des Battlefield qui nous entraînent dans des opérations militaires aussi sanglantes que fictives, People Power enseigne aux révolutionnaires à monter une opposition non violente grâce à un jeu de stratégie au tour par tour. Ce Serious Game conçu par le Centre international des conflits pacifistes (The International Center on Nonviolent Conflict) et développé par la société de production vidéo York Zimmerman offre la possibilité de découvrir par soi-même comment se construit un mouvement de protestation efficace. Partant du principe que les militaires utilisent depuis longtemps les jeux vidéo pour former et recruter leurs agents, les créateurs ont décidé de proposer un outil pratique pour les militants pacifistes. "Il y a environ six ans, mes collègues et moi avons réalisé qu'il n'existait presque rien pour aider les activistes des pays gouvernés par des régimes autoritaires et oppressants à développer une stratégie, explique Steve York, à l'origine du projet. Ils savaient comment mettre en place des protestations, des grèves et des boycotts, mais ils négligeaient parfois les objets de première nécessité, comme le recrutement, l'organisation, l'acquisition de ressources et le financement. Un trop grand nombre d'entre eux comptaient exclusivement sur les protestations publiques et les actions de rue. Nous avons pensé qu'un jeu leur apporterait l'expérience pratique sans prendre de risque."
Révolutions fictives inspirées de mouvements réels
Dans People Power, le joueur incarne le leader d'un mouvement populaire qui doit, par exemple, se battre pour changer le vote d'un conseil municipal afin de mettre en place le tri sélectif, renverser une dictature ou lutter contre la corruption. Il peut alors essayer plusieurs tactiques, voir les conséquences directes de ses actes et apprendre de ses erreurs sans subir de pertes humaines ou matérielles réelles. "Notre cible principale sont les activistes, les gens impliqués dans l'opposition aux mouvements politiques, dans la résistance, l'activisme de droits civils, qui se battent pour la liberté, contre les discriminations ethniques, raciales ou d'une autre forme", explique le concepteur de People Power. Au total, quatre scénarios et un tutoriel sont inclus dans le jeu que l'on peut télécharger sur Internet contre dix dollars. Si les intrigues se passent dans des villes ou pays fictifs aux personnages imaginaires, toutes sont basées sur des exemples réels et enrichies par l'expérience de vrais activistes et les études de chercheurs en Sciences politiques. "Nous avons travaillé avec des jeunes qui ont vraiment participé aux luttes récentes. Par exemple, un de nos programmateurs, Ivan Marovic, était l'un des fondateurs du mouvement serbe Otpor, qui a joué un rôle-clé dans la chute de Slobodan Milosevic", souligne Steve York.
Une communication virale
Comme le rappelle le site tunisien d'information né pendant la révolution arabe Fhimt.com, People Power est en fait la deuxième mouture de A Force More Powerfull, un titre sorti en 2006 et également conçu par le Centre international des conflits pacifistes et York Zimmerman. Plus léger, 55 Mo contre 700 Mo pour le premier, People Power permet d'être téléchargé quand la précédente version devait se distribuer sur un support physique. Un atout considérable pour s'implanter dans des pays où l'on imagine ce genre de programmes très surveillé. "Nous vivons à l'ère Internet. Les activistes dans un pays sont en contact avec les activistes d'un autre, ils partagent constamment et échangent des informations. Jusqu'à maintenant, cet effet "viral" est notre seule promotion et notre outil marketing", indique le fondateur de York Zimmerman, qui précise que l'argent récolté contribue à l'élaboration d'autres scénarios et à l'amélioration du jeu. Pour l'instant, le titre n'existe qu'en anglais, mais des versions en arabe, en farsi, en espagnol et en russe sont en développement.
