C'est toujours quand on discute avec des copains de lycée que les souvenirs se décident enfin à sortir des sombres recoins de la mémoire pour éclater au grand jour. J'ai eu le plaisir de reparler avec mon ami Carlos l'autre jour et ce qu'il m'a dit m'a vraiment fait plaisir. Ce n'est pas le propos de cet article bien sûr, mais quand même, faut un contexte large pour camoufler l'insignifiance de ce que je vais vous raconter.
Il m'a dit que même si nos cheveux commençaient à tomber et l'embonpoint à pointer, nous restons les ados de ces jours lointains. Ô jeunesse fugace que le temps assassine (non pas que je sois vieux ni rien) ! Ô collège et ô lycée, j'étais toujours le plus jeune de la classe, malgré les années qui se succédaient, je ne réussit jamais à rattraper le retard que le destin m'avait fait prendre sur mes camarades de classe. Être le plus jeune constitue un handicap considérable pour un lycéen, ça vous jette dans l'embarras. J'étais content par ailleurs de ne pas être le plus petit de la classe, la nature aidant, c'est Pedro qui a dû se coltiner cet opprobre. Affectueusement on l'appelait Siline 1.
Mon handicap, si je puis m'exprimer ainsi sans blesser personne, se fit d'autant plus handicapant lorsque tous les autres ont entamé leur 18 année (je m'abstiens de métaphoriser avec printemps parce que de là où je viens, les saisons n'existent pas, des lecteurs pointilleux risqueraient de me le faire remarquer). C'est que moi, avec mes 16 ans, je ne pouvais pas aller dans les bars, pas possible. J'entrepris souvent de falsifier de manière plus que grossière des pièces d'identité attestant de ma dixhuitanité, c'était pas forcément de ma faute, j'y mettais un zèle considérable, mais les imprimantes de l'époque flairant le mauvais coup bavaient, jetaient, bullaient. Bien sûr, si le papier collant qui me servait à plastifier mon faux document n'y mettait pas du sien non plus...
Ainsi allait la vie, pendant que ma capacité de transpiration et de pustulisation grandissait, nous profitions pour sécher de temps en temps les cours, draguer les filles d'un autre lycée sans succès (le lycée, pas la drague), écouter de la musique et refaire le monde.
Un jour j'avais ourdi un plan pour donner à mon séchage un alibi d'involontarité. La première étape consistait à arriver à la bourre. Comme les portes du lycée se fermaient après le coup de gong nous signalant le début des cours, on était obligés d'attendre devant l'entrée que le proviseur vienne nous chercher en menaçant de nous cafter la prochaine fois. Malin comme je suis, je me suis dit que si je me tirais avant l'arrivée du proviseur, mon crime resterait impuni.
Je me dirigeai plein d'entrain vers l'arrêt de bus (celle-là j'en suis fier). C'est au moment où je voulus monter que Tulio descendit. Tulio c'était mon prof d'EPS. Il m'a appris la beauté du subjonctif imparfait du verbe satisfaire aussi bien qu'il m'a inculqué sans le savoir le dégoût de la pratique sportive. Il me regarda d'un air étonné et s'en alla vers le lycée sans dire un mot.
Le soir en arrivant à la maison, mon grand père m'attendait prêt à lancer sur moi son regard méchant n°5 "qu'est-ce que t'as foutu de ta journée"
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Bon ben, voilà, c'est tout. Avec ces histoires de panne du forum j'ai perdu la main. Merde.