Sharemanga: La trépidante vie de Sudaka82 - Sharemanga

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Astuce N°3

Un petit truc pour rendre plus apétissante la purée de rutabagas : remplacez-la par une entrecôte marchand de vin. Avec des frites. Grosses les frites. (1)

:ph34r:


(1) Avec la complciité de Sergio Emilson

Japonien

La première fois que Sudaka vit le Japon, il le trouva franchement laid. Il lui déplut, enfin. Il n'aima pas sa couleur. Une couleur qu'il n'aurait pas imaginé vu que les mangas sont super colorés, sauf ceux qui sont en noir et blanc mais c'est parce que c'est pas de leur faute. Après j'ai trouvé ça plus joli mais c'était à cause des bambis, mais je t'en parlerai un peu plus tard.

Je disais donc, dans mon for intérieur (pour ce qui suivent peu ou pas), mais t'est-ce que donc que je suis tombé ?! Hé ben, pour tout dire et franchement, le Japon, niveau laideur ça a rien à envier aux cités de la banlieue parigote.

La vache j'ai commencé à écrire ça y a presque un an et ce n'est toujours pas fini, et de toute façon j'ai déjà oublié tout ce qui s'était passé pendant ce voyage !

Du côté du Nihon

Longtemps je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine mon hublot fermé, mes yeux se fermaient si vite que je n'avais pas le temps de me dire : « 'Tain c'est quand même vachement pas confort l'avion. » Mais en fait ça s'est pas passé comme ça. J'ai pas réussi à fermer l'oeil de la nuit, ou de la journée, je sais pas, avec tous ces fuseaux horaires traversés on perd la notion du temps.

On dirait pas comme ça, mais voyager avec un passeport colombien c'est accablant, pénible et peut-être même chiant. Je descends de l'avion, je me dirige au guichet à gaijins où l'on m'enjoint de laisser les empreintes de mes deux index ainsi qu'une photo de mon visage. J'obtempère. Je me dis que ça pourrait être pire, il paraît qu'aux États-Unis tu dois laisser les empreintes de tes phalanges, orteils, iris, rétine, sexe, un prélèvement ADN et un examen coprologique.

Après avoir accepté de mon plein gré de figurer sur un fichier de sécurité nationale d'un pays industrialisé, je récupère ma valise et j'entreprends de trouver la sortie. Je m'arrête face à un agent de la douane qui me signifie dans un anglais à côté duquel le mien serait carrément opulent qu'il faut que je le suive. Je place ma valise sur son comptoir, elle commence à glisser ses mains au sein de mes menues possessions, elle pelote les moindres recoins de mon bagage avec un soin tout particulier qu'on dirait presque Oriental. Elle me demande quelle est la raison de ma visite au Japon tout en refermant la valise. Elle me montre une encyclopédie fort bien illustrée de tout ce qui se fait comme produit dopant, narcotisant, psychotropant, hallucinogène, alcaloîde, tous plus stupéfiants les uns que les autres. Elle me rend mon passeport en se répandant en moultes courbettes, sourires et formules d'excuses à base de particules de politesse que ma culture Occidentale est incapable d'apprécier à leur juste valeur.

Je croyais être arrivé au bout de mon calvaire, mais non. Au moment où je repose ma valise par terre, une espèce de sous-chef se ramène, me demande mon passeport, et s'empresse de passer un savon (d'Alep) à l'agent qui venait de me fouiller. Mais qu'est-ce qui te prend espèce de stagiaire, tu vois pas que c'est un passeport colombien, tu sais où ça se trouve au moins la Colombie ?! Enfin, un truc comme ça je suppose vu que je n'ai rien compris de ce qu'il disait.

Le sous-fifre gabelou me demande en Japonais si je comprends le Japonais, je suis surpris d'avoir compris la question mais malheureusement je ne suis pas en mesure de lui répondre dans son dialecte insulo-vernaculaire. Il me dit en Engrish de replacer la valise sur le comptoir. Je reprends ma valise, je la replace sur le comptoir, le sous-chef douanier sort avec une négligence toute particulière qu'on dirait presque Latine, mes chemises repassées avec soin, mes pantalons bien pliés pour éviter les pinces, mes slips, chaussettes, brosse à dents, déodorant et coupe ongles. Je dois ensuite vider mes bagages à main, livres, papiers, chéquier, pull, cardeséjour et carte bleue. J'enlève mon pardessus, je vide mes poches, j'enlève mes chaussures et ceinture. Il me demande avec une politesse toute feinte s'il a le droit de passer tous les trucs aux rayons X. Son regard me notifie que j'ai le droit de m'opposer mais que ça mènerait inéluctablement à une fouille plus poussée dans une chambre close dont je risque de ressortir avec un traumatisme postérieur. Je dis ouais de toute façon... Et puis accessoirement je vais te fouiller un peu quand même. Pas de problème.

Ah la sortie ! Je me sentais libéré, un peu comme Léon dans la scène finale du film éponyme (mais avec la balle dans le dos en moins). En sortant de là, je vais demander à l'accueil où se trouve le Limousine Bus qu'on m'avait dit qu'il emmène les gens du Kansai International Airport à JR Nara Eki pour la modique somme de 1800 yens. Je trouve, je paie, je vois qu'il ne part que dans une heure.

J'ai soif, je vois des distributeurs de boisson je m'en approche, je vois marqué "café" en Occidental sur certaines boissons, ça tombe bien j'aime pas le café, après je prends un truc au pif. C'est dégueulasse, je le bois quand même vu qu'il ne me reste plus de monnaie. Parce qu'à force de faire des ellipses j'ai oublié de vous dire que j'avais acheté une carte téléphonique avec un billet de 5000 yens que quelqu'un m'avait donné en France avant que je parte. Même passer un coup de fil c'est la galère dans ce bled, tout est en Japonais même le numéro gratuit pour appeler à l'étranger. Je réussis à comprendre malgré tout le mot "ID" que je compose en espérant ne pas devoir valider par #. Je compose alors le numéro que je désire appeler et je réveille mon interlocuteur en France à 3h du matin. Que d'aventures.

Je monte dans le bus. En attendant le départ je me demande dans mon for intérieur :

Citation

Bon sang de crème d'emplâtre à la graisse de hérisson, dans quel drôle d'endroit suis-je tombé ??!

(Ceci est un stratagème pitoyable, misérable, médiocre et lamentable afin que toi, ami lecteur, restes accrochés à ce récit passionnant dont le suspens devient insoutenablement léger et haletant).

つづく

Cent ans de Japonitude

Bien des années plus tard, face à la porte d'embarquement, l'ami Sudaka devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son ami Camilo l'emmena faire connaissance avec les films d'Akira Kurosawa. Mais on s'en fout. Ça décolle, l'avion fait un bruit bizarre. Cacophonie de tôles. J'espère, si jamais ça pète, ne pas avoir le temps d'avoir peur. Je crois que ça y est, j'ai survécu au décollage, reste plus qu'à ne pas atterrir sur des réservoirs à fioul. J'en ai pour encore 11h de vol, destination Bahia Nara. J'ai atteint la vitesse de 914 km/h. Au niveau de la Baltique, les japs ont complètement écoulé le stock de champagne, il commence à se faire faim. Le champagne commence à faire des ravages dans ma tête d'enfant. Mine de rien ça attaque bien le champagne sur tripaille inoccupée. Peu à peu ma tête se peuple d'idées noires et je me retiens fermement de sauter par le hublot que je n'arriverais jamais à ouvrir.

Il reste encore 8791 barre verticale, barre horizontale, barre horizontale un peu plus grande puis carré à droite à parcourir. Je suppute que cet ensemble enchevêtré de traits veut dire kilomètres. Pas con le Sudaka. Mais hey, je vois qu'on est au-dessus de Nörrkoping, détail insignifiant mais qui n'a aucune importance pour la suite du récit et de toute façon les plateaux repas arrivent.
Étant de nature téméraire et d'esprit aventureux, je prends le menu estampillé poiscaille. La photo satellite de la Norvège se résume à une grosse tâche blanche.

(Ellipse : procédé rhétorique consistant à passer sous silence une période de temps c'est-à-dire à ne pas en raconter les évènements)

En fait le poisson, c'était genre trop pas bon. Même pas cru et tout sec. J'ai dû bien l'arroser du coup. Vraiment dégueu. Le digestif par contre c'était pas trop mal. Une espèce de liqueur de Poire Williams assez sympa. Le truc chiant avec les voyages c'est que dans l'avion y a rien d'autre à faire que de boire et de manger. Et ça les japs l'ont bien compris, après le champagne ils s'attaquent au Cognac, leur rubicondeur ne cesse de grandir en même temps que mon envie de verser ma miction dans les cabinets ad hoc, mais il y a la queue.



つづく
Ah l'armée. Il arrive dans la vie de tout lycéen issu d'un pays où le service militaire est obligatoire, un jour où il doit se présenter à la journée d'appel à la défense (ce qui n'a rien à voir avec celle qui est pratiquée en France). Je crois que pour moi et particulièrement les gens de mon coin, tout commence vers le mois d'août/septembre. Un gradé en chef de la IVème brigade de Medellin se pointe au bahut avec une tripotée de formulaires dans toutes les classes de terminale pour expliquer les modalités du départ (sauf pour les inaptes et les exempts), urg. Le trucs pas drôle c'est que après le tirage au sort tu peux te retrouver dans des coins pas glop style Mapiripan ou San Vicente del Caguán, quoi que à mon avis en tant que militaires des forces armées du pays y a plus de risques en allant au deuxième endroit. Bref tout ça pour dire que c'est pas vraiment la fête. Bien que tous les jours il y avait un copain qui se ramenait avec une nouvelle histoire d'un cousin qui était en poste ché pas où, ou il faisait que jouer aux cartes toutes la journée, et puis il est revenu alcoolique en plus. Après y avait d'autres qui patrouillaient dans la ville et gardent la beuh et la coke qu'ils chopaient pendant les fouilles...

Moi personnellement j'avais pas envie de perdre un an. Et puis je faisais partie des catégories de personnes qu'on dispense du service militaire : les fils uniques. Du coup je me lointepuche le jour J sans grande appréhension pour l'examen d'aptitude. Globalement ça consiste à se faire toucher les couilles par un médecin entouré de deux militaires avec des gueules patibulaires qui gueulent avec des accents de sergent Hartman : A poil ! A poil ! Ce jour-là c'est un peu le jour de la vengeance des petits, des martyrisés, du lumpenlycéenat, le jour où le big fat boss qui sème la terreur dans la classe de terminal F se fait malmener par deux troufions de l'armée et qu'en plus on voit qu'il a une petite bite. Et qu'en plus s'il continue à jouer la caïds de cour d'école ça risque de barder pour son matricule, chef, oui, CHEF ! Je sais c'est mesquin mais ça fait tellement plaisir.

Après avoir supporté un discours platitudinaire sur les bienfaits de l'armée, patrie, honneur, loyauté, viendez civils, viendez courir, des hommes d'acier vous allez devenir, etc, je comprends qu'y en a que ça fait vibrer mais moi ça me parle pas. Bref, après on se mettait en file indienne et on entrait 6 par 6 dans les vestiaires d'un petit terrain de foot près d'Itagui.

Dedans il fallait se mettre à poil et passer un par un devant une espèce de fille complètement antipathique qui avait touché des couilles avec un gant toute la journée et qui pendant la pause mangeait une grosse empanada avec (je suppose) le même gant, beurk. Le but du jeu c'était d'avoir une hernie inguinale, c'était la condition sine qua non post hoc ergo propter hoc tu te tapes un annus horribilis chez les flics. Apparemment c'est une espèce de coincement des burnes qui fait tellement mal que les mecs ils sont pas aptes au combat. Du coup on défilait, elle touchait, puis apte, pas apte, apte, pas aptes, etc. Pas vu un seul pas apte le jour où j'y étais. J'étais dégoûté de devoir subir l'examen alors qu'ils savait ab initio que j'étais exempt, c'est vicieux un militaire.

À la suite du toucher testiculaire, on se mettait sur les gradins du terrain et on priait pour être appelé. Ils commençaient par Pablo qui était fils de député, puis Cesar, neveu germain d'un parrain de la drogue local, etc. Quand ils entendaient leur nom ils criaient de joie tellement ils en pouvait plus de... joie. On partait et on laissait nos amis là, à la merci des mercenaires de l'état, oh mon Dieu c'est trop z'horrible. Pedroooooooooo cura ut valeas, fac simile, ex cathedra, fiat lux, in medio stat virtus, in vitro stat fetus, lato sensu, manu militari et nunc est bibendum !

Quelques mois après j'ai dû m'acquitter de la taxe de compensation militaire et aujourd'hui je suis toujours réserviste de 2ème classe, je crois que ça veut dire que si jamais y a la guerre, je me fais tuer après ceux de première classe, pessimum et foedum est pro patria mori !



Res ipsa loquitur !

Allez, plein le cul de latinismes à deux balles, bye bye !
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