Sharemanga: Les cours de kaori - Sharemanga

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C/ Conversation avec des chimpanzés en ASL, Roger Fouts (1978)

Roger Fouts est un ancien étudiant des Gardner qui à participé à l'éducation de Washoe dès son début et qui possède maintenant dans son propre centre de recherches de l'Université de l'Oklahoma un certain nombre de chimpanzés qui sont tous utilisateurs plus ou moins bons de l'ASL. Il va" récupérer" Washoe et l'observer de 1978 à 1982.
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En 1978, Washoe donne naissance à un petit qui meurt d'une maladie au bout de deux mois. A la suite de cela Washoe fait une dépression, elle pleure, refuse le contact et refuse de manger. Dix jours plus tard Fouts lui amène un bébé chimpanzé orphelin de dix mois et lui montre en faisant les signes "bébé pour Washoe" qui répond par le signe "bébé". Elle adopte le petit que l'on va appelerLoulis.
Dix jours après avoir été en contact de Washoe, et sans intervention humaine, Loulis émet son premier signe qui est en fait le nom du soigneur qui leur apporte son petit déjeuner "George", et le refera à chaque fois que George est présent. A 15 mois il combine deux signes, "quelqu'un venir" par exemple, mais son vocabulaire se limite à 28 signes à trois ans et 47 signes à cinq ans.

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Il est intéressant d'observer que pour apprendre les signes à Loulis, Washoe va utiliser les procédures dont les expérimentateurs se sont servis pour lui d'apprendre l'ASL, soit :
- le shaping ou modelage des gestes
- et le modeling, c'est à dire faire le modèle
Loulis a donc appris les signes par apprentissage et par observation.

Mais Fouts donne aussi ses leçons en Ameslan à tout un groupe de chimpanzés. Il note des "mini-conversations "en ASL dans le groupe. Ce sont des échanges d'un ou deux signes, à chaque apparition d'unité linguistique, et avec deux tours de parole en général.
Ces échanges portent sur :
- les interactions sociale pour 39%
- des signes de réassurance pour 29%
- et les jeux pour 20%

De plus, avec un chimpanzé nommé Lucy, il a constaté que sur 277 conversations en Ameslan avec elle, 77% étaient dues aux initiatives du chimpanzé.

La prochaine fois nous verrons l'apprentissage de langages symboliques créés pour l'apprentissage aux chimpanzés.
Après l'impasse des premières expériences, les chercheurs ont donc fait une distinction entre langage et parole : le langage peut se traduire en signes, systèmes d'écriture ou d'autres symboles arbitraires. Les chimpanzés se servent d'un grand nombre de gestes dans la nature et Béatrice et Allen Gardner en tirèrent parti pour apprendre à leur chimpanzé Washoe à communiquer avec des gestes. Ils utilisèrent alors le système de l'Ameslan.

B/ Les Gardner et Washoe (1966)

Washoe, jeune chimpanzé femelle de dix mois, est élevée dans une roulotte où il y a tout le confort : une vraie salle de bain, une cuisine équipée et sa chambre à coucher. Cette roulotte se situe dans un terrain clôturé composé d'arbres et arbustes, de fleurs, d'installation de jeux de plein air et on l'emmène faire des promenades à l'extérieur. Elle reste seule la nuit et est toujours avec un soigneur durant la journée. Les chercheurs ne cherchent donc pas à simuler une vraie vie de famille humaine, mais simplement offrir à Washoe un environnement stimulant pour l'inciter à la communication.

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On essaie de créer pour Washoe un environnement de signes, et les soigneurs autour d'elle se font des signes les uns aux autres en espérant qu'elle les imite comme le fait l'enfant pour le langage. L'animal vit donc une situation d'apprentissage naturel, comme si elle était un enfant dont les parents ne parlaient entre-eux que l'Ameslan. On utilise aussi, au début de la recherche, un système de récompenses où on lui donne une friandise pour n'importe quel geste puis plus tard seulement lorsqu'elle produit de véritables signes. Mais Washoe n'apprend que très lentement les signes. En plus, le fait que ses expérimentateurs avaient eux aussi quelques difficultés avec l'ASL, qu'ils venaient d'apprendre, n'a pas facilité l'accroissement de son vocabulaire.
Alors, pour accélérer son apprentissage, les Gardner bougent les bras de Washoe, selon le geste qu'ils veulent produire et ainsi la guide dans ses mouvements . Effectivement, avec cette méthode, Washoe va accroître rapidement son vocabulaire. En fait, si elle répète spontanément le signe pour lequel on l'avait guidé, on lui donne l'objet que le signe désigne.
Pour affirmer que Washoe a spontanément et correctement utilisé un signe, il faut le témoignage concordant de trois observateurs indépendants et que ce signe apparaisse pendant 15 jours consécutifs. Ainsi on peut comptabiliser le signe comme faisant partie du vocabulaire de Washoe.
On note aussi qu'elle fait quelques imitations différées de signes vus durant son jeune âge (comme l'enfant) tels que les signes de "brosse à dents" ou de "fleur". Elle apprend également le signe du "encore" dans une situation de chatouillement et le signe de "ouvrir" dont elle se sert spontanément pour aller dans des endroits qui lui étaient auparavant interdits, puis pour le réfrigérateur, les bocaux et enfin, le robinet.

Au dixième mois de la recherche, Washoe émet spontanément "donne-moi" et "venir ouvrir" en combinant les signes pour la première fois : les soigneurs avaient produit des séries de signes devant elle, mais on ne lui avait jamais appris à le faire. Elle progresse et arrive à combiner jusqu'à cinq signes ensemble : "s'il te plaît chatouiller encore" par exemple. Mais Washoe combine ces signes en ordre inverse ou dans le désordre et on ne pourra pas lui apprendre à le faire dans un ordre conventionnel. A quatre ans, son vocabulaire compte 85 signes et elle a des dialogues simples avec ses soigneurs.

C'est avec son vocabulaire de 130 signes que Washoe partit dans L'Oklahoma pour achever le reste de sa vie avec un grand groupe de chimpanzés.
On peut noter que Washoe avait un environnement appauvri par rapport à un enfant. De plus les Gardner ont appris l'ASL en même temps que leur chimpanzé, ses professeurs ne savaient donc pas s'exprimer facilement par signes.

En 1972, trois nouveau-nés chimpanzés commencent une nouvelle étape dans l'expérience des Gardner. Les petits sont mis en contact avec des personnes sourdes, qui maîtrisent parfaitement l'ASL, dès leur naissance. Leur vocabulaire se développe donc plus vite que Washoe : ils atteignent leurs dix premiers signes à six mois alors que Washoe les avait acquis à 25 mois et après un an d'apprentissage. Cependant, ils ne font pas plus de progrès qu'elle en ce qui concerne la combinaison des signes dans le bon ordre.

Demain nous verrons les observations de Roger Fouts : une maman chimpanzé a qui on a appris l'ASL peut-elle apprendre les signes à son petit ?
Avant de vous présenter les expériences concernant l'apprentissage de la langue par gestes à des primates non humain, voici une introduction à ce qu'est la langue des signes ainsi que des arguments montrant que c'est une véritable langue. En effet, même s'il paraît trivial aujourd'hui de dire que la langue des signes utilisées par les sourds est une langue au même titre que le français, l'espagnol ou le breton, cela n'a pas été toujours le cas et certains linguistes ont comparé cette langue à de la simple pantomime.

A/Le fonctionnement du langage des signes et le problème de sa nature linguistique

La langue des signes qui a été utilisée dans ces expériences est le langage gestuel des sourds américains ASL (American Sign Language), appelé aussi Ameslan. Il est pratiqué par beaucoup de personnes, des sourds et des entendants, et est relativement codifié.Il est pratiqué à l'aide de mouvements faisant intervenir essentiellement les bras, les mains et les doigts. En cela, il convient pour l'apprentissage du langage par des animaux dont les habiletés motrices et la dextérité ont toujours été remarquées. De plus, les animaux manifestent spontanément des attitudes ou des mouvements qui peuvent être interprétés comme des expressions d'un désir ou d'une demande.
Le langage des signes ASL n'est ni une forme dérivée de l'anglais, ni un langage original, mais un très vieux système de langage avec une longue histoire et un vocabulaire qui consiste en 2000 signes environ. Pendant la conversation, les utilisateurs font varier la forme et l'emplacement de leurs mains et la direction dans laquelle elles se déplacent. Les signes peuvent être produits par une seule main ou les deux. Les utilisateurs peuvent se communiquer des idées de façon très rapide en faisant varier la vitesse de répétition.

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Les signes du langage gestuel ont souvent une apparence illustrative : il évoquent certains aspects de ce qu'ils désignent. De ce point, ils diffèrent des signes verbaux du langage parlé. C'est pourquoi certains observateurs ne voient dans les signes de ces langages visuels que des pantomimes et non de véritables signes linguistiques : pour eux ce n'est pas un vrai langage.
En fait, les signes de l'ASL se réalisent selon des règles précises de formation. Les locuteurs ASL sourds ont d'ailleurs un sens très aigu de la différence entre ce qui apparaît comme signe ASL et ce qui apparaît comme pantomime, au cours d'une conversation. De nombreux signes ASL ont cependant une forme assez proche d'une représentation mimétique comme, par exemple, "manger", où la main est portée à la bouche.
Mais une différence constante existe entre pantomime et signe ASL : les pantomimes comprennent toujours plusieurs images thématiques et les signes ASL, une seule. Les signes se distinguent aussi par une séquence de début constante c'est à dire les mains partent d'une position de repos puis s'élèvent jusqu'au point où le signe commence. Dans les pantomimes, on ne peut jamais reconnaître de période initiale où une disposition particulière des mains est maintenue même brièvement : les mains passent directement d'une position de repos à l'exécution des mouvements de la pantomime. Une autre différence porte sur la durée : les pantomimes sont de durée beaucoup plus longue et plus variable que les signes ASL correspondants.
En fait, durant les cent dernières années, des signes autrefois très imagés et ayant des traits très représentatifs du type de la pantomime, ont évolué et sont devenus des signes d'apparence plus arbitraire, des signes beaucoup plus délimités dans l'espace et dans le temps. On peut aussi observer, de nos jours, des processus d'innovation linguistique en ASL et leur évolution. On l'observe fréquemment chez les jeunes enfants sourds, nés de parents sourds. De même, créer un signe pour un nouveau concept, en ASL, comme pour les autres langages, est quelquefois accompli en composant deux signes qui existaient préalablement comme unités indépendantes.

L'ASL est donc bien une langue autonome, un vrai langage humain. On a vu que des signes ASL présentent les caractères de véritables signes linguistiques, et les règles de grammaire qui les modulent sont propres a cette langue. Les chimpanzés ne pouvant pas apprendre le langage articulé, il a été très intéressant de se servir de L'ASL pour tenter de leur apprendre un langage humain utilisant le visuel et le gestuel.

Demain nous verrons la tentative des Gardners pour apprendre l'ASL à la chimpanzé Washoe (et non pas Vashu) en 1966.
On vient de voir que tenter d'apprendre le langage articulé à des primates non humain est voué à l'echec : ces derniers ne possèdent pas la capacité physique de la parole. Quittons un tout petit moment les primates, pour nous interesser à un animal capable d'imiter la parole humaine : le perroquet.

LANGAGE ARTICULE ET PERROQUET

Si l'apprentissage du langage articulé a échoué sur les primates, des chercheurs tels que Irène Pepperberg ont travaillé avec les perroquets. Il est intéressant de relater ces recherches qui montrent des résultats étonnants sur des animaux qui, contrairement aux primates, ont un cortex cérébral réduit mais sont capables d'articuler des mots. De plus, la méthode utilisée par I. Pepperberg est très instructive.
Beaucoup de théories postulent que les aptitudes cognitives et la capacité de communication avancées des primates viennent du fait qu'ils vivent dans des groupes sociaux complexes. Le perroquet gris, étudié ici, vit dans les forêts denses de l'Afrique équatoriale où, pour lui, la communication vocale est très importante.
Irène Pepperberg travaille avec Alex, un perroquet gris âgé de 22 ans (espérance de vie de 60 ans). Celui-ci est arrivé bébé au laboratoire à 13 mois.
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Méthodologie

Ici, on met le perroquet en présence de deux personnes qui se disent mutuellement le nom des objets qu'ils ont en main. C'est le protocole dit du modèle et du rival : M/R fondé sur les travaux de A. Bandura. En 1970 celui-ci montre en effet que les enfants apprennent efficacement lorsqu'on leur montrait l'exécution de tâches difficiles avant de leur proposer de mettre leurs observations en pratique.
Concrètement, avec le perroquet, le dresseur prend un objet et pose, par exemple une question sur sa couleur. Lorsque l'assistant répond correctement le dresseur le félicite en lui donnant une récompense. Ainsi l'assistant sert de modèle pour le perroquet et le dresseur a le rôle du rival. Avec Alex, les rôles de dresseur et d'assistant ont été constamment intervertis de sorte qu'Alex perçoive la communication dans les deux sens et constate le fait qu'une expression n'est pas spécifique à un individu.
De plus, lorsqu'il prononce un mot nouveau, les chercheurs formulent devant lui des phrases complètes qui contiennent ce nouveau mot. Le mot est ainsi répété avec insistance mais pas de façon isolée. Le mot nouveau est donc utilisé comme dans une conversation normale et Alex produit un vocable sans associer une imitation des paroles de son dresseur à une récompense. Un autre technique utilisée est celle de la cartographie référentielle qui attribue un sens aux vocalisations spontanées d'Alex.
Tous ces protocoles utilisent des récompenses qui renforcent positivement l'apprentissage de mots. Si Alex identifie un morceau de bois, on lui donne un morceau de bois à mâcher, ainsi ce système garantit l'association du mot ou du concept avec la tâche ou l'objet correspondants. En fait tous les objets n'ont pas le même attrait pour un perroquet et pour éviter qu'Alex ne refuse de répondre aux questions concernant les objets immangeables, il peut échanger la récompense une fois qu'il a donné la bonne réponse à la question posée.

Résultats

Alex reproduit et comprend des mots décrivant cinquante objets et aliments différents. Il classe aussi les objets par couleur (rose, bleu, vert, jaune, orange , gris, violet), par matière (bois, laine, papier, liège, craie, cuir, pierre) et par forme. En combinant cela, il identifie, réclame et décrit plus de 100 objets différents avec une réussite de 80%.
Il comprend que les couleurs et les formes représentent divers types de catégories et qu'on peut classer les objets en fonction de celles-ci. De même, il comprend qu'un objet a plusieurs propriétés simultanément.
Alex a une proportion de réponses exactes supérieure à la probabilité de réponses faites au hasard quand on lui demande si des objets sont similaires ou différents. La faculté de compréhension d'Alex est comparable à celle des chimpanzés. Il a appris aussi à numériser : il décrit des nombres d'objets même s'il s'agit d'objets inconnus ou hétérogènes en utilisant "deux", "trois", "quatre", "cinq", "six". Il comprend également la notion de taille.


Tous ces résultats nous montrent qu'Alex ne fait pas une simple imitation de ses dresseurs mais qu'il a acquis certaines caractéristiques de la parole humaine.
La technique M/R et ses variantes ont été utilisé pour les chimpanzés de S. Savage-Rumbaugh . Ce modèle a même été utilisé pour l'enseignement du langage à des enfants retardés.
Ce travail sur le perroquet montre également que des formes avancées d'intelligence animale sont encore à découvrir : qui aurait pu penser que cet oiseau avait des capacités cognitives lui permettant de rivaliser avec les primates ?

Le prochain cours nous reviendrons aux primates non humain et aux tentatives faites pour leur apprendre le langage des signes.
C/Phylogenèse du langage articulé


Le problème est ici d'identifier quels ont été les premiers ancêtres de l'homme à pouvoir parler c'est à dire, à quel moment est apparu le langage articulé caractérisant l'homme moderne.

S'il est difficile d'imaginer un monde sans langage, on peut observer que nos ancêtres lointains n'étaient pas pourvus de cette capacité tenue pour naturelle, du moins n'étaient-ils pas doués de la parole au sens où nous l'entendons. Pour savoir quels furent nos premiers ancêtres au cours de l'évolution humaine à pouvoir émettre un langage articulé, les paléoneurobiologistes utilisent des moulages endocrâniens et les empreintes laissées sur la face interne des crânes comme indices pour estimer la taille et la position des aires spécifiques du cerveau de nos ancêtres.
Plus précisément, la "paléolaryngologie" rassemble les données de l'anatomie comparée et les témoignages de fossiles pour reconstituer les éléments du tractus vocal de nos ancêtres : larynx, pharynx, langue et structures associées.

Les chercheurs ont utilisé une mesure de la ligne de la base du crâne qui en évalue sa courbure chez de nombreuses espèces de mammifères. Grâce à cela, ils ont distingué deux types de configuration crâne/larynx :
- Base du crâne presque plate et larynx en position haute dans le cou, cas de tous les mammifères sauf de l'humain adulte
- Base du crâne courbée ou fléchie avec un larynx bas, forme retrouvée seulement chez l'humain de plus de deux ans.
Ainsi, les crânes fossiles qui présentent une courbure marquée à la base du crâne, courbure similaire à celle de l'homme adulte, appartiennent à des humains pourvus d'un tractus vocal de même type que le notre.

L'analyse des australopithèques a montré que la base de leur crâne ne présentait pas de flexion, ressemblant en cela à celle des grands singes actuels et donc différente de l'homme adulte moderne. Les australopithèques avaient sans doute un tractus vocal similaire à ceux des singes, leur permettant d'avaler des liquides et de respirer simultanément comme ces derniers. Et même si ces hominidés utilisaient un système de communication, probablement plus avancé que ceux des gorilles et des chimpanzés, ils ne pouvaient pas parler tel que nous le faisons à l'heure actuelle.
C'est chez l'Homo erectus que l'on trouve les premiers exemples d'un début de flexion de la base du crâne, loin du type presque plat et sans courbure de l'australopithèque. Ce changement de la base du crâne peut indiquer que le larynx de l'Homo erectus avait commencé à descendre, augmentant ainsi la zone pharyngique disponible pour modifier les sons produits par le larynx. Mais on ne peut pas en déduire que les Homo erectus possédaient la capacité de parler comme nous. Leurs capacités vocales étaient probablement intermédiaires entre celles des formes primitives, comme l'australopithèque, et celle de l'homme moderne. En examinant le matériel fossile, on peut penser que le tractus vocal moderne, qui a permis de produire un langage véritablement articulé, s'est fait jour chez Homo sapiens il y a 300 à 400 000 ans.

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B/ Ontogenèse du langage chez l'humain

La communication

C'est en communiquant, même de façon non verbale, que l'enfant apprend à parler. Ainsi le langage est acquis dans un contexte social et selon une continuité entre le non-verbal et le verbal.
Dès les premiers mois de la vie, s'établissent des patterns dyadiques interactifs entre le bébé et l'adulte (un pattern est un schéma : un "patron" et une dyade, c'est ce qui se passe entre deux personnes, par exemple entre une mère et un enfant). Les premiers échanges sont centrés uniquement sur les personnes, et les comportements du bébé sont interprétés, par l'adulte, comme des signifiants ou comme signal de communication et ceci, sans qu'il y ait forcément de la part du bébé une intention nette de communiquer.
Il s'agit en fait de pseudo-dialogues au cours desquels les enfants vont progressivement apprendre :
- à utiliser les valeurs expressives de leur comportement, comme l'expression de la mimique et du regard
- à saisir les règles élémentaires de la conversation comme l'alternance des tours de parole. Ainsi vers l'âge de trois mois, on a apparition du "turn-taking" qui est un échange de vocalisations entre la mère et l'enfant qui ressemble à un vrai dialogue. Cette conduite stéréotypée ne dure que deux à trois semaines.
Ensuite, avec la maîtrise croissante de sa motricité, l'enfant va se tourner vers l'exploration de son environnement physique, et va progressivement entrer dans les mécanismes de base de la communication, car communiquer, c'est aussi transmettre des informations sur le monde extérieur.
C'est à partir du moment où l'enfant va coordonner ces deux centres d'intérêts (la personne et l'objet) que va apparaître l'intention de communiquer à l'adulte quelque chose à propos des événements ou des objets environnants. Vers six mois, le bébé suit le regard de sa mère sur un objet, si celui-ci est bien en vue, son regard se déplace alors alternativement du regard de l'adulte à l'objet en même temps qu'il vocalise. Les interactions sont devenues triadiques : bébé, adulte et objet. L'enfant adopte ainsi certaines règles de dialogue liées à l'attention conjointe ou à la coopération (action conjointe).
Il va passer d'une communication gestuelle globale, qui met en jeu le corps entier, à une forme de communication plus différenciée avec des regards et des pointages. Les postures gestuelles de l'enfant montrent alors de plus en plus clairement, qu'il cherche à faire partager son centre d'intérêt. Ici l'apparition du geste de pointage témoigne de la continuité des processus communicatifs qui vont des gestes aux mots.
C'est grâce au développement de cette capacité d'attention conjointe que le bébé pourra apprendre le nom des choses jusqu'à la production de ses premiers mots : c'est l'étiquetage. Mais beaucoup d'enfants qui pointent le doigt vers un objet pour en savoir le nom emmagasinent leur savoir et ne révèlent que plus tard le vocabulaire qu'ils ont ainsi dissimulé et accumulé.

Les étapes de production du langage articulé

Mais de développement de la communication n'est pas qu'un problème anatomique, car l'enfant doit apprendre à comprendre le langage, puis à le produire. Si on s'intéresse à l'ontogenèse de l'acquisition du langage, on peut identifier plusieurs étapes (au niveau des âges mentionnés, il existe toutefois de grandes différences entre les enfants).
Tout d'abord, on observe une période que l'on peut qualifier de pré-linguistique, de la naissance jusqu'à un an environ, qui comprend plusieurs étapes. A cette période on ne parle pas d'activité linguistique mais d'activité vocale.
Le nouveau-né émet tout d'abord des sons réactionnels (cris, pleurs) qui traduisent son bien-être ou son malaise et des sons végétatifs (toux, renvois, déglutition).
Puis un peu avant deux mois des vocalisations, ou gazouillements, apparaissent quand le bébé est dans une situation de confort. Cette apparition marque, chez l'enfant, l'apparition d'un contrôle plus grand sur ses organes phonatoires. La gamme de ses vocalisations est à la fois plus pauvre et plus riche que celle de sa langue maternelle. Plus pauvre, car certains sons consonantiques, qui exigent une coordination très fine des organes articulatoires, sont absents de ce répertoire. Mais plus riche, car certains sons produits par l'enfant sont absents de sa langue maternelle mais font cependant partie du répertoire d'autres langues. Ainsi l'enfant aurait la possibilité de prononcer tous les phonèmes et pourrait alors acquérir n'importe quelle langue. Enfin, l'enfant acquiert le contrôle de sa phonation vers cinq mois, il pourra ainsi commencer à moduler plus finement la durée, la hauteur et l'intensité de ses productions vocales.
Vers six, sept mois c'est le babillage. Au début, l'enfant commence à émettre des chaînes répétitives de syllabes, combine consonnes et voyelles et joue avec les sons, c'est le babillage canonique, où à chaque voyelle correspond une syllabe, avec production principale des voyelles [a] et [e]. C'est une phase essentielle de la préparation au langage parlé, ainsi les enfants acquièrent progressivement un modèle d'intonation de la langue : ils commencent à produire des syllabes qui respectent les contraintes de sa langue maternelle. Vers neuf à dix mois, ils vont produire des chaînes de syllabes sans répétition et parfois assez complexes. Ils produisent en fait des suites vocales variables et bien articulées qui donnent l'impression d'un "jargon" imitant de façon expressive le langage de l'adulte. Mais l'enfant n'explore pas toutes les possibilités articulatoires dont il dispose, il a des préférences pour certaines configurations, ce sont les routines de production : dès neuf mois, l'enfant utilise de façon plus ou moins régulière, certaines séquences dans des situations bien déterminées. On constate qu'entre les productions vocales émises dès la naissance et les premiers mots, l'évolution est très rapide.
Ensuite, on va avoir la période des énoncés d'un mot qui débute vers un an avec de fortes variations interindividuelles. En fait, la production du premier mot est considérée comme une étape importante car elle marque le moment où l'enfant accède vraiment au système linguistique et, chez l'enfant de cet âge, il est très difficile de déterminer la frontière entre le vocal et le linguistique. La détermination précise de la production du premier mot chez un enfant est très difficile, car à cet âge les premiers mots sont souvent des approximations éloignées du modèle adulte.
La variation de l'âge d'apparition du premier mot est très importante : de neuf à dix-huit mois. Cette période est donc caractérisée par la production de mots isolés qui sont appelés "olophrases" car ils peuvent avoir le sens d'une phrase pour l'entourage qui souvent leur attribue une signification revêtant la valeur d'une phrase entière. Par exemple, en fonction de la situation où l'enfant produit "papa" il peut vouloir dire "Tiens, voilà papa", ou "Papa, viens m'aider" ou encore "C'est le pull de papa" , etc. L'interprétation de l'adulte va être possible grâce à la situation et en fonction de l'intonation de l'enfant, de ses gestes ou de ses mimiques.
Grâce à cette interprétation, peuvent se mettre en place des interactions satisfaisantes entre l'enfant et son entourage. On voit ici l'importance de l'interprétation de l'adulte dans l'acquisition du langage et de son fonctionnement.
Le répertoire de l'enfant va passer de un à dix mots à cinquante mots vers 16 à 20 mois puis on a une explosion linguistique avec trois cents mots à 24 mois.
La période des énoncés de deux mots débute vers vingt mois avec des décalages très importants. L'enfant produit souvent des formules ou des expressions toutes faites comptabilisées par l'adulte comme plusieurs mots mais apprises par l'enfant comme un tout.
A partir de deux mots va se poser le problème de leur organisation selon leur fonction, c'est à dire de la syntaxe.
En 1963, Braine a émis l'hypothèse de l'organisation des énoncés de deux mots selon une grammaire spécifique appelée grammaire pivot. Cette grammaire distingue deux catégories de mots : les mots pivots et les mots ouverts. Les pivots sont peu nombreux, utilisés fréquemment, leur augmentation numérique dans le répertoire de l'enfant est lente et ils ont une position fixe dans l'énoncé pour un enfant donné (soit la première, soit la seconde).
Ils n'apparaissent pas seuls et se combinent avec un très grand nombre de termes mais jamais entre-eux. Les mot ouverts ont les caractéristiques inverses, ce sont des noms ou des verbes, ils sont plus nombreux, moins fréquents et occupent la place qui reste dans l'énoncé. Ils peuvent apparaître seul, se combiner entre-eux ou avec un mot pivot. Bien sûr, cette conception est critiquable et on peut observer que les caractéristiques des mots pivots ne sont pas aussi rigides. Cette grammaire a le défaut de sous-estimer le contenu des énoncés et leur fonction communicative. De plus, cette grammaire n'explique pas sur quelles bases se construisent les productions ultérieures plus élaborées : c'est une impasse.
Aujourd'hui on pense que les enfants possèdent une grammaire incomplète mais déjà adaptée à leur langue sur laquelle se basera le développement ultérieur. En effet, des comparaisons inter-langues montrent que ces énoncés de deux mots suivent les caractéristiques de la langue. La grammaire des enfants de deux ans n'est pas spécifique mais bien de même nature que celle de l'adulte. C'est à partir de cette grammaire incomplète, mais non incorrecte, que va se fonder le développement linguistique rapide de la troisième année.

Enfin apparaît la phrase pendant laquelle vont progressivement évoluer les systèmes nominal et verbal pour arriver à la maîtrise du langage de l'adulte. L'acquisition des noms, adjectifs, articles, prépositions et adverbes a lieu entre 2 et 6 ans et l'acquisition des déterminants et pronoms de 2 à 11 ans. De même, l'acquisition des différents temps et modes du verbe a lieu entre 4 et 6 ans.


Malgré sa complexité, l'acquisition du langage par l'enfant se fait sans apprentissage particulier et il va maîtriser la majeure partie de sa langue maternelle vers 5/6 ans. Pourtant, il doit apprendre en même temps les concepts et les mots qui les désignent alors qu'un l'adulte qui veut apprendre une langue étrangère connaît déjà les concepts va connaître un apprentissage souvent long et difficile.

Dans cette partie nous allons parler du langage articulé : son anatomie puis son ontogenèse et pour finir le langage articulé dans l'évolution de l'Homme.

A/Comparaison du système articulatoire humain de l'adulte et de l'enfant avec l'anthropoïde

Chez l'homme adulte, le larynx est en position plus basse dans le cou que chez le chimpanzé. Cette position basse va augmenter l'espace situé entre l'arrière de la cavité nasale et le larynx (pharynx), ce qui libère une chambre inexistante chez l'animal, l'espace pharyngal. C'est grâce à cette expansion du pharynx que l'humain peut produire les divers sons du langage articulé.

Pour le chimpanzé, comme pour presque tous les autres mammifères, le larynx est situé en position haute dans le cou, ce qui ne laisse de la place que pour un petit espace au pharynx. Alors l'espace pharyngique n'a qu'une petite capacité de modification des sons produits par les cordes vocales du larynx. C'est en modulant la forme de la cavité buccale et des lèvres que l'animal peut modifier les sons qu'il émet.

Voici un schéma comparatif de ces deux systèmes :
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Cette position haute du larynx a un aspect pratique pour les animaux : cela permet de respirer et d'avaler simultanément, ce que l'Homme ne peut pas faire. En fait cette position haute permet au larynx de s'engager dans la partie supérieure du pharynx avec, en plus, la mise en place d'une voie directe pour l'air, qui part du nez jusqu'aux poumons. Ainsi les chimpanzés respirent essentiellement par le nez tout en ingérant leurs aliments qui peuvent alors descendre de chaque côté du larynx jusqu'à l'oesophage et l'estomac, sans qu'il y ait croisement des deux parcours.

En ce qui concerne les jeunes enfants, les recherches montrent que leur tractus respiratoire supérieur est très proche du type général trouvé chez tous les mammifères. En effet, comme pour les primates non-humains le larynx de l'enfant est localisé haut dans le cou. Donc, les nouveau-nés et les jeunes enfants respirent, avalent et vocalisent vraiment de la même manière que les singes. Du point de vue de leur tractus respiratoire fonctionnel, ils ont la même anatomie fonctionnelle que les anthropoïdes.
En fait c'est vers un an et demi à deux ans que la position du larynx reste haute dans le cou. Puis, vers deux ans, le larynx commence à descendre dans le cou et c'est cette descente qui va modifier la façon dont l'enfant respire et émet des sons. Ce développement du tractus reste encore très inconnu (on peut faire l'hypothèse qu'il est en relation avec le syndrome de mort subite du nourrisson) mais le fait est, qu'au final, notre larynx est situé beaucoup plus bas que chez les autres mammifères.
Donc, passées les premières années de l'existence, les voies digestives et respiratoires de l'être humain se croisent au-dessus du larynx : un homme ne peut respirer et boire en même temps sans "avaler de travers". Mais cette descente du larynx a pour conséquence le développement de la chambre pharyngale juste au-dessus des cordes vocales. C'est cette expansion du pharynx qui permet la production sonore si riche de notre langage articulé.
C/ K.& C. Hayes et Viki (1951)

Viki a été adopté à 3 jours et durant six ans et demi elle vécut chez Cathy et Keith Hayes avant de mourir à la suite d'une maladie.
Ces chercheurs étaient convaincus que les chimpanzés ne parlaient pas dans leur milieu naturel car ils n'ont ni stimulants, ni environnement linguistique. Il fallait donc offrir à l'animal tous les avantages de l'enfant humain, ainsi on pourrait lui apprendre à parler : c'est ainsi que Viki devint "l'enfant" de Cathy.
Premièrement, on va contrôler les productions de l'animal (Viki doit d'abord prononcer des sons quelconques pour avoir sa nourriture) et on va récompenser chacun de ces sons qui sont toujours émis dans son répertoire naturel.
Pendant trois ans, K. Hayes va observer ce répertoire naturel : Viki émet des sons pour exprimer ses émotions, des sons de détresse, de joie, de frayeur, etc.
Puis soudainement un autre son apparaît, "c'était comme si quelqu'un chuchotait un "ah" aussi fort que possible, avec un grand effort. La face de Viki se contorsionnait et ses yeux marquaient la tension et la préoccupation d'un bègue" nous raconte Cathy Hayes. On réussit donc à lui faire prononcer "mamma" grâce à la méthode d'intervention directe sur les lèvres de l'animal. C'est le "shaping" où on met en forme les lèvres de l'animal pour lui faire prononcer le son voulu. Progressivement, Viki fut capable de mouvoir spontanément les lèvres, le contact de l'index avec ses lèvres suffisant à déclencher l'émission, l'animal cherchant ce contact en se servant de son propre index.

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Viki apprend ensuite "papa", "cup" et "up" sur la base d'imitations exploitant des articulations spontanées. On peut noter que si "cup" est bien utilisé dans un contexte où Viki veut boire, "mamma" et "papa" sont utilisés comme dénomination de n'importe quel objet qu'elle désire avoir, comme les jouets ou même de la nourriture.

Pour élargir son vocabulaire, les auteurs acceptèrent comme "mots" ces trois productions :
- un claquement de dent pour signaler la promenade en auto
- le son "tsk" pour cigarette
- un click aspiré pour dire l'envie d'une sortie dans le jardin

Ceci est justifié comme "mot", par les expérimentateurs, car chacune de ces productions est liée à une signification. L'association des productions serait caractéristique du cas où un singe parviendrait à produire l'approximation de mots.


Le bilan est donc bien mince pour les Hayes : on a une pauvreté de l'apprentissage des mots, même dans des conditions très favorables d'élevage, c'est à dire une vie de famille humaine, où la parole est constamment employée et où il y a des tentatives répétées et systématiques d'entraînement à son usage.
Mais les auteurs n'ont pas pu aller plus loin que faire acquérir à Viki la compréhension de mots et d'ordres simples.


Que Viki ne fût pas capable de parler fut une déception pour les Hayes et surtout Cathy Hayes qui la considérait comme son enfant. Celle-ci consacra beaucoup de temps à son éducation, à la soigner et à être frustrée de son état : "Vous pouvez revêtir un grand singe des plus beaux atours, vous pouvez lui acheter un tricycle et l'embrasser à l'en étouffer - mais il n'apprendra pas à parler" écrit Cathy Hayes admettant son échec.
Toutefois, on a pu noter une réussite de Viki dans le domaine des activités non verbales telles que le développement intellectuel, la socialisation, l'acquisition de routines et d'habitudes d'une vie humaine.
Ceci a conduit les chercheurs à s'orienter vers l'utilisation dans leurs recherches d'autres formes de langage que la parole.

Demain nous entamerons la seconde partie sur la nature du langage articulé pour essayer de comprendre pourquoi ces expériences sur les chimpanzés étaient vouées à l'échec.
B/ Les Kellogg Donald et Gua (1938) : enfant humain et chimpanzé élevés ensembles

Les Kellogg adoptent une femelle chimpanzé, Gua, de sept mois et demi et l'élèvent pendant neuf mois avec leur petit garçon Donald, âgé de 3 mois de plus qu'elle, de façon identique. En fait, ils sont traités de manière identique dans la façon de nommer, de les habiller, ont les mêmes marques d'affection et de punition et on leur parle de la même manière.

Après avoir vécu quelques mois ensembles, ils manifestent un intérêt si intense l'un avec l'autre qu'on ne peut persuader l'un de venir manger si l'autre était en train de jouer.
Lorsque Gua eut onze mois et Donald quatorze, ils se plurent à jouer au jeu de donner. Le docteur Kellogg prenait un objet et disait "maintenant je donne ceci à Gua", "maintenant Gua le donne à Donald", "Donald le donne à papa" , etc. Les petits identifiaient toujours correctement le destinataire et par la suite, ils s'envoyèrent une balle rouler de l'un à l'autre selon les mêmes principes.
Une partie de la communication quotidienne de Gua est faite de l'indication de ses besoins de toilettage, et bien qu'elle se serve de gestes en de telles circonstances, ses demandes s'accompagnent souvent de vocalisations.

Ils sont tous deux testés par une batterie de tests de compréhension de Gesell [Arnold Gesell (1880,1961) est un psychologue américain, il a étudié le développement de l'enfant et a crée plusieurs types de tests encore utilisés aujourd'hui pour évaluer les enfants dans différents domaines].
Donald a un peu de retard, peut être à cause de son amie muette, et Gua comprend de nombreux ordres donnés oralement, quelques salutations et un petit nombre de consignes.
Mais Gua ne montre aucune tendance à acquérir un comportement verbal. De plus, il y a absence d'activités assimilables à un babillage alors que Donald n'arrête pas de vocaliser.
On essaie de lui faire prononcer "papa", mais il n'y a aucune imitation ni production vocale malgré le vif intérêt porté par Gua. Son "langage" consiste surtout en de nombreuses façons de s'exprimer par son physique que les Kellogg savent tous les deux interpréter.

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On voit que les deux petits acquièrent des capacités du même ordre dans les conditions de la vie quotidienne, mais en ce qui concerne l'apprentissage du langage par le chimpanzé, c'est un échec.


Lundi nous finirons la partie sur les premiers travaux réalisés sur le chimpanzé avec Viki élevée par un autre couple de chercheurs : K.& C. Hayes (1951).
Alors pour ceux qui se demande le LHA du titre est " LE LANGAGE HUMAIN ET L'ANIMAL" et nous allons enchainer sur la première véritable section après les généralités à savoir : les premiers travaux réalisés sur le chimpanzé (/mode archéologie ON). Les prémières expériences du genre étant celles de Kohts au pays des soviets !

A/ N. Kohts et Ioni (1913-1916) puis Rudy (1925-1929) : étude comparative longitudinale entre chimpanzé et enfant humain

Avec ce travail sur le chimpanzé, qui n'est pas spécialement axé sur l'étude du langage, nous allons aborder les différentes possibilités de ce primate, ainsi que la ressemblance de son développement avec celui de l'enfant humain. C'est une des recherches expérimentales les plus anciennes sur le chimpanzé. Nadezhda Kohts était chercheur au musée Darwin de Moscou. Cette chercheur est surtout célèbre pour son travail sur la vision du chimpanzé et elle fut le premier expérimentateur à utiliser avec les chimpanzés la technique d'assortiment avec un échantillon, en utilisant une méthodologie très rigoureuse.

L'originalité de son ouvrage, paru en 1935, "Sur l'enfance de l'Homme et du singe" réside dans la comparaison de son fils Rudy à Ioni le chimpanzé, bien que ceux-ci ne furent pas élevés à la même période. Elle s'occupa de Ioni de un an et demi à quatre ans puis dix ans après, à la naissance de son fils Rudy, elle étudia celui-ci de sa naissance à ses quatre ans. Elle montre que les deux enfants se ressemblent dans divers aspects dont voici les principaux, identifiés à l'époque.

Premièrement, ils assortissent leurs comportements à ceux des adultes de leur entourage : c'est l'imitation. Ainsi les deux petits jouent à balayer le plancher, ouvrir des cadenas, enfoncer des clous avec un marteau, se servir d'un bâton pour retrouver des objets, actionner des interrupteurs, faire des dessins sur un papier avec une plume ou un crayon, etc. Et si l'objet essentiel de l'imitation fait défaut, ils trouvent un substitut, par exemple, s'ils ne disposaient pas de crayons, ils prenaient une baguette et s'ils n'avaient pas d'encre ils trempaient alors leur plume dans du lait, de l'eau ou encore du potage.
On peut trouver cette sorte de substitution (ou "transfert", ou "généralisation") chez presque toutes les espèces (le rat par exemple), mais la qualité du transfert est remarquable chez l'enfant humain et le chimpanzé.

Deuxièmement, N. Kohts note que les deux petits comprennent les concepts de ressemblance. Ioni par exemple rassemble et met en tas spontanément toute une série de petits motifs ronds. Rudy est capable de montrer du doigt les sourcils de sa poupée, puis les siens et ceux de toutes les personnes se trouvant dans sa maison.

Enfin, elle note que tout deux manifestent un concept "d'identité du moi", le "je". Tous les matins, Ioni vérifie méticuleusement toutes les parties de son corps et Rudy dès l'âge de un an examine son propre corps avec beaucoup d'intérêt. Tous les deux répondent à leur propre image dans un miroir en passant par différents stades. D'abord en lui souriant, puis en touchant l'image et en allant chercher le reflet derrière le miroir et, pour finir, crachent dessus et le frappent de façon agressive. Vers deux ans, Rudy commence à se reconnaître, mais Ioni n'atteignit jamais le stade de sa propre reconnaissance. Depuis, on a montré qu'après 20 heures passées avec le miroir dans leur cage, les anthropoïdes, contrairement aux autres singes, commencent eux aussi à montrer des signes de reconnaissance en passant par tous les stades que passent les enfants face à leur reflet.


Nadezhda Kohts s'attendait à ce que Ioni acquière au moins un mot de Russe, sachant que celle-ci entendait constamment le langage humain, répondait correctement aux directives orales, se servait de ses propres vocalisations naturelles pour exprimer ses émotions et de mimiques pour exprimer ses désirs. Mais en aucune façon Ioni n'essaya d'imiter la voix humaine, même des mots élémentaires.
N. Kohts avait mis beaucoup d'espoir dans son chimpanzé, mais celui-ci ne devint jamais "humain" et elle en fut profondément dépitée. C'est un sentiment que vont exprimer tous les chercheurs qui ont travaillé et travaillent encore avec des chimpanzés, particulièrement quand ceux-ci sont dans leur habitation.
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Demain une autre expérience fondamentale chez un couple de chercheurs : les Kellogg leur fils Donald et la chimpanzé Gua (1938) : enfant humain et chimpanzé élevés ensembles.
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